La nouvelle loi sur l’asile : comment piéger les demandeurs d’asile ?
Depuis le 29 juillet 2015, la France a adopté une nouvelle loi sur l’asile car elle était tenue de faire des modifications dans sa législation pour se conformer au droit européen. Cette loi est annoncée comme simplifiant la procédure et surtout comme raccourcissant les délais, tout ça évidemment en faveur des demandeurs d’asile. Mais la réalité est tout autre. À chaque numéro, nous tenterons d’expliquer une partie de cette loi incompréhensible.
Comment demander l’asile ?
Au niveau de l’accès à la procédure, tout est modifié. La loi annonce un guichet unique, soi-disant plus simple car regroupant tout en un même endroit.
Or avant d’aller à ce guichet, qui regroupe la préfecture et l’OFII (organisme sous tutelle du ministère de l’Intérieur), il faut se présenter ailleurs. Pour trouver ce « ailleurs », un premier endroit où il faut obligatoirement se présenter, il faut se lever tôt. Car l’information est introuvable.
Une fois qu’on a trouvé cette information, on apprend qu’avant d’aller la préfecture (même si l’obligation préalable de domiciliation est supprimée), il faut se rendre dans une « plate-forme d’accueil » gérée par un prestataire externe (association sous-traitante de l’administration et payée par elle), souvent une grosse structure gestionnaire comme France Terre d’asile, Coallia ou la Croix-Rouge française. Avant, les étrangers devaient passer la nuit devant la préfecture pour avoir la chance d’être reçus. À partir de novembre, ils doivent faire la même file, mais ailleurs, devant une association payée pour remplir des formulaires et recueillir des informations. Quel est le changement pour les demandeurs d’asile ?
Surtout qu’au bout d’un nombre variable (30, 40 selon les jours), la plate-forme sur Paris ferme ses portes. La file d’attente se forme de plus en plus tôt, à partir 23 heures la veille ou minuit, pour une ouverture à 9 heures du matin.
Alors que la nouvelle loi précise qu’une demande d’asile doit être enregistrée dans les trois jours, il faudra en réalité déjà avoir beaucoup de patience devant les plates-formes d’accueil et dormir dehors de nombreuses nuits. Car la France a bien intégré cette règle européenne d’enregistrer les demandes d’asile dans les trois jours, mais la petite précision très pernicieuse est que ce délai court à partir du moment où l’on a mis les pieds dans la plate-forme d’accueil.
Le rôle des plates-formes d’accueil est administratif. Aucun travail d’accompagnement sérieux n’est prévu. Elles doivent avant tout recueillir les informations afin de les transmettre à la préfecture. Leur rôle est plus clair qu’auparavant : des prestataires de l’administration. Ce n’est pas pour rien que l’administration fait faire ce travail par des associations. Car les informations qu’elles doivent recueillir sont très importantes pour la suite de la procédure et on se confie davantage à une association qu’à un agent de la préfecture. Ces questions sont déterminantes pour savoir si la France peut essayer de renvoyer le demandeur d’asile dans un autre pays : en effet, l’association va poser au demandeur d’asile des questions sur son itinéraire afin de voir si on peut appliquer le règlement Dublin. Les empreintes seront prises ensuite à la préfecture, mais c’est à la plate-forme que l’on va récolter des informations qui pourront ensuite servir à la préfecture pour justifier cette expulsion vers un autre pays de l’Union européenne.
Ces questions servent aussi pour voir si l’administration peut lui appliquer une procédure expéditive appelée « procédure accélérée ». Lorsqu’on est placé sous cette procédure d’asile extrêmement rapide, on a très peu de chances d’obtenir l’asile. On peut être placé en procédure accélérée si on ne coopère pas avec l’administration : c’est-à-dire si on ne veut pas répondre aux questions, si on ment sur son parcours ou sur sa situation, si on ne dit pas qu’on a essayé de demander l’asile dans un autre pays, si on a altéré ses empreintes, si on demande l’asile après cent vingt jours… La nouvelle a augmenté le nombre de cas de placement en procédure expéditive. Pourtant, ces situations sont très fréquentes et ne résultent pas d’une mauvaise volonté du demandeur, mais d’une situation de grande précarité dans laquelle il se trouve avant d’accéder concrètement à la procédure.
Pour demander l’asile à Paris :
– si demandeur isolé : plate-forme d’accueil FTDA, 4 rue Doudeauville 18e (Métro La chapelle – ligne 2 ou Marx-Dormoy – ligne 12) ; du lundi au vendredi à 9 h.
– si famille : CAFDA, 44 rue Planchat 20e (métro Alexandre Dumas – ligne 2) ; du lundi au vendredi 11 h.
Voici un résumé du parcours sous forme de schéma :
Proc d’asile_apres 2015