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Communiqué des migrants hébergés au CHU de Villeneuve la Garenne (92)

Ce communiqué a été écrit le mardi 29 décembre 2015.

Communiqué des migrants hébergés au CHU de Villeneuve la Garenne

Les réfugiés sont hébergés là depuis le 23 octobre, suite à l’évacuation du lycée Jean Quarré à Paris. Suite à ce communiqué, un appel à rassemblement sera sans doute lancé si rien ne s’améliore pour les 45 personnes qui vivent là et subissent de véritables maltraitances.

Nous sommes des réfugiés de différents pays, du Soudan, de l’Érythrée, de Somalie…
Nous avons affronté le désert et la mer pour échapper à la mort.
Nous demeurons dans un centre d’hébergement à Villeneuve-la-Garenne, géré par la Croix-Rouge. Nous sommes choqués des conditions que l’on nous fait subir dans ce centre.

Nous dénonçons :

  • L’exclusion de plusieurs personnes sans aucune raison, renvoyées les unes après les autres.
  • Les déclarations mensongères que fait l’administration du centre pour faire intervenir la police de manière répétitive et ainsi nous dissuader de nous plaindre ou de dénoncer nos conditions de vie. A la suite d’une intervention reconnue par la police elle-même comme non fondée, nous nous sommes plaints de nos conditions de vie et avons alors miraculeusement obtenu l’eau chaude et le chauffage, que nous attendions depuis une semaine.
  • Le comportement méprisant des employés et les humiliations constantes (propos racistes, gestes agressifs, chantage au renvoi…) – Le manque de suivi médical
  • Les erreurs répétées sur le cahier de contrôle de présences et des horaires d’entrée et de sortie.Des personnes présentes ne sont pas notées et risquent ainsi d’être renvoyées du centre. Même si certaines erreurs sont vraisemblablement involontaires, d’autres sont faites exprès et visent ceux qui ont revendiqué leurs droits, pour les menacer d’expulsion.
  • La privation de liberté de circulation à cause de la non-fourniture de titres de transport.
  • Les problèmes d’hygiène : les draps et couvertures ne sont jamais lavés et il n’y a pas de nécessaire de toilette ni de linge de toilette

Nous demandons à l’administration de prendre ses responsabilités et de remplir son rôle.
Nous demandons :

  •  Le remplacement des employés qui ont des comportements menaçants ou violents et qui ont tenu des propos racistes.
  • La tenue de réunions régulières avec l’administration en présence d’un traducteur compétent et neutre.
  • Un comportement et un traitement respectueux de la part des employés, l’arrêt du système des contrôles de présences et des exclusions.

Nous demandons également l’amélioration de nos conditions de vie :

  • Des repas variés et équilibrés (depuis un mois nous mangeons toujours la même chose)
  • Des titres de transport pour circuler librement et ne pas nous exposer à des contraventions ou des problèmes avec la police.
  • Un suivi et un accompagnement médical pour tous.
  • La fourniture de nécessaire de toilettes, de produits d’hygiène et de sous-vêtements
  • Des couvertures chaudes et des draps propres.
  • Des cours de langue française, des activités culturelles et sportives et une possibilité de connexion internet comme cela nous a été promis par la direction du centre et le maire de la ville.

 

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Le nouveau droit d’asile

La nouvelle loi sur l’asile : comment piéger les demandeurs d’asile ?

Depuis le 29 juillet 2015, la France a adopté une nouvelle loi sur l’asile car elle était tenue de faire des modifications dans sa législation pour se conformer au droit européen. Cette loi est annoncée comme simplifiant la procédure et surtout comme raccourcissant les délais, tout ça évidemment en faveur des demandeurs d’asile. Mais la réalité est tout autre. À chaque numéro, nous tenterons d’expliquer une partie de cette loi incompréhensible.

Comment demander l’asile ?

Au niveau de l’accès à la procédure, tout est modifié. La loi annonce un guichet unique, soi-disant plus simple car regroupant tout en un même endroit.

Or avant d’aller à ce guichet, qui regroupe la préfecture et l’OFII (organisme sous tutelle du ministère de l’Intérieur), il faut se présenter ailleurs. Pour trouver ce « ailleurs », un premier endroit où il faut obligatoirement se présenter, il faut se lever tôt. Car l’information est introuvable.

Une fois qu’on a trouvé cette information, on apprend qu’avant d’aller la préfecture (même si l’obligation préalable de domiciliation est supprimée), il faut se rendre dans une « plate-forme d’accueil » gérée par un prestataire externe (association sous-traitante de l’administration et payée par elle), souvent une grosse structure gestionnaire comme France Terre d’asile, Coallia ou la Croix-Rouge française. Avant, les étrangers devaient passer la nuit devant la préfecture pour avoir la chance d’être reçus. À partir de novembre, ils doivent faire la même file, mais ailleurs, devant une association payée pour remplir des formulaires et recueillir des informations. Quel est le changement pour les demandeurs d’asile ?

Surtout qu’au bout d’un nombre variable (30, 40 selon les jours), la plate-forme sur Paris ferme ses portes. La file d’attente se forme de plus en plus tôt, à partir 23 heures la veille ou minuit, pour une ouverture à 9 heures du matin.

Alors que la nouvelle loi précise qu’une demande d’asile doit être enregistrée dans les trois jours, il faudra en réalité déjà avoir beaucoup de patience devant les plates-formes d’accueil et dormir dehors de nombreuses nuits. Car la France a bien intégré cette règle européenne d’enregistrer les demandes d’asile dans les trois jours, mais la petite précision très pernicieuse est que ce délai court à partir du moment où l’on a mis les pieds dans la plate-forme d’accueil.

Le rôle des plates-formes d’accueil est administratif. Aucun travail d’accompagnement sérieux n’est prévu. Elles doivent avant tout recueillir les informations afin de les transmettre à la préfecture. Leur rôle est plus clair qu’auparavant : des prestataires de l’administration. Ce n’est pas pour rien que l’administration fait faire ce travail par des associations. Car les informations qu’elles doivent recueillir sont très importantes pour la suite de la procédure et on se confie davantage à une association qu’à un agent de la préfecture. Ces questions sont déterminantes pour savoir si la France peut essayer de renvoyer le demandeur d’asile dans un autre pays : en effet, l’association va poser au demandeur d’asile des questions sur son itinéraire afin de voir si on peut appliquer le règlement Dublin. Les empreintes seront prises ensuite à la préfecture, mais c’est à la plate-forme que l’on va récolter des informations qui pourront ensuite servir à la préfecture pour justifier cette expulsion vers un autre pays de l’Union européenne.

Ces questions servent aussi pour voir si l’administration peut lui appliquer une procédure expéditive appelée « procédure accélérée ». Lorsqu’on est placé sous cette procédure d’asile extrêmement rapide, on a très peu de chances d’obtenir l’asile. On peut être placé en procédure accélérée si on ne coopère pas avec l’administration : c’est-à-dire si on ne veut pas répondre aux questions, si on ment sur son parcours ou sur sa situation, si on ne dit pas qu’on a essayé de demander l’asile dans un autre pays, si on a altéré ses empreintes, si on demande l’asile après cent vingt jours… La nouvelle a augmenté le nombre de cas de placement en procédure expéditive. Pourtant, ces situations sont très fréquentes et ne résultent pas d’une mauvaise volonté du demandeur, mais d’une situation de grande précarité dans laquelle il se trouve avant d’accéder concrètement à la procédure.

Pour demander l’asile à Paris :

– si demandeur isolé : plate-forme d’accueil FTDA, 4 rue Doudeauville 18e (Métro La chapelle – ligne 2 ou Marx-Dormoy – ligne 12) ; du lundi au vendredi à 9 h.

– si famille : CAFDA, 44 rue Planchat 20e (métro Alexandre Dumas – ligne 2) ; du lundi au vendredi 11 h.

Voici un résumé du parcours sous forme de schéma :

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2 poids 2 mesures : Triel, Emmaüs

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Le samedi 7 novembre, au petit matin, une trentaine de militants d’un groupe d’extrême droite occupait le toit du centre d’hébergement de Triel pour y dénoncer le fait que 80 migrants y soient hébergés. Durant plus de 5 heures les personnes hébergées  ont du rester cloitrées dans le centre.
Interrogé par des associations sur les éventuelles suites judiciaires données à cette agression fasciste, le sous-préfet des Yvelines, M. Stéphane Grauvogel dira,  qu’à son avis, la caractérisation d’incitation à la haine raciale ne paraît pas possible, les banderoles et slogans étant selon lui à la limite de la loi mais sans la franchir. Pour lui, la seule poursuite possible serait  la violation d’un espace privé… Précisons au passage, que la semaine avant l’occupation du toit, plusieurs migrants ont été agressés physiquement, notamment à la gare de Triel, par des personnes proférant des propos racistes. Mais bon, pour Mr Grauvogel, tout cela n’a sans doute rien à voir….
Donc,  pour l’Etat et la justice,  entrer par effraction dans un centre, y grimper sur le toit pour y hurler des slogans hostiles, y faire flamber des fumigènes et faire en sorte que les personnes hébergé/es soient confinées plus d’une demi-journée ce n’est pas très grave. Par contre,  aller soutenir des migrants en grève de la faim dans leur centre d’hébergement, ça c’est plus embêtant…
En effet, en novembre dernier? 4 personnes ont été condamnées à de lourdes amendes et de la prison avec sursis en raison de leur présence solidaire auprès de migrant-e-s hébergé-e-s dans un foyer du 14e arrondissement géré par l’association Emmaüs
En aout, 3 militant-e-s et un migrant venu pour assurer la traduction, s’étaient rendus dans ce centre d’hébergement de la rue Losserand  pour soutenir 30 migrant-e-s en grève de la faim et les aider à rédiger leurs doléances en français afin qu’elles puissent être transmises aux médias et aux autorités.
Les migrant-e-s, ce jour là, écrivaient  ceci  à propos de leurs conditions de vie : “Nous dénonçons la mauvaise qualité de la nourriture, la propreté qui laisse à désirer, la quasi-absence de services de soins médicaux et surtout la lenteur extrême pour les domiciliations et les procédures administratives pour les demandes d’asile, sans oublier l’absence de tickets de transport ou de cartes téléphoniques.”
Alors qu’elles avaient été invitées à entrer par le directeur du centre et qu’elles étaient restées solidairement présentes lors du sit in de protestation organisé par les migrant/es, ces 4 personnes ont été embarquées manu militari par des hordes de policiers débarqués sur place en moins d’une demi-heure.
Le soir même, Emmaüs, la préfecture et la mairie de Paris publiaient un communiqué commun pour faire monter la sauce de la répression  :
“L’État, la Ville de Paris et Emmaüs Solidarité condamnent avec la plus grande fermeté l’intrusion d’une poignée de militants dans le centre d’hébergement de migrants, situé rue Raymond Losserand dans le 14e arrondissement de Paris. L’État, la Ville de Paris et Emmaüs Solidarité jugent inacceptables les menaces et les insultes proférées à l’égard des équipes d’Emmaüs Solidarité ainsi que la séquestration des salariés et des migrants présents, qui ont contraint la police à intervenir.”

Les migrant/es du centre Losserand ont bien sûr démenti ces allégations de séquestration mais face aux autorités politiques, étatiques et humanitaires, leurs paroles furent vaines…
En effet, si il est quelque chose d’insupportable pour celles et ceux qui se sentent investi/es d’une responsabilité politique, humanitaire ou associative qui les fait considérer les Autres comme des enfants irresponsables qu’il faut gérer et encadrer, c’est que ces « irresponsables » prennent la parole et s’approprient le champs du politique. Ainsi, mieux vaut   faire comme si les migrant/es étaient manipulé/es par quelques agitateurs/trices, comme si ils et elles n’étaient pas capables d’avoir leurs propres revendications.

Et pour l’appareil d’Etat il est donc moins grave de  prêcher la haine et le racisme comme les fachos de Triel que de mettre en œuvre des solidarités. Peut-être parce que ce sont nos solidarités qui permettront de ne pas sombrer dans une société où dominent la peur de l’autre, la peur de la misère et de la répression.  Ces mêmes solidarités qui feront que nous pourrons construire, gens d’ici et d’ailleurs,  gens  de partout,  un monde où ne règnent pas les inégalités et les rapports de domination. Un monde qui reste à inventer…